Histoire de la ville
de Hammamet
Al-Hammamet (littéralement les bains), ou la Mahomette des navigateurs européens du Moyen-âge, est située sur le littoral oriental de la
presqu'île du Cap Bon. Elle n'est distante que de 62km de Tunis et 13km de Nabeul. Bâtie à l'extrémité d'une langue de terre s'avançant comme un cap dans le golfe de Hammamet, cette ville fut surtout une place de guerre, voir une sorte de grande forteresse, destinée à contrôler les voies de communications terrestres et maritimes reliant le Nord du pays au Sahel.
Outre sa position, son importance stratégique découle de la présence d'une immense forêt, couvrant au
XIXème siècle les collines environnantes, et qui fournissait une grande partie du bois de construction navale utilisé par les arsenaux de Tunis et Ghar el
Melh.
Jusqu'à la fin de l'époque Ottomane (1881), la ville de
Hammamet n'était constituée que par une petite médina de 300 foyers. L'essentiel de sa population résidait en dehors de l'enceinte, dans des maisons de campagne fortifiées
(borj) construites au milieu des vergers. L'agglomération, dont Léon l'Africain et L. Marmol
Caravajal (XVIème siècle) attribuent à tort sa fondation aux premiers princes de la dynastie des Hafsides
(XIIIème siècle), n'est en réalité que l'ancien Qsar al-Hammamet, cité par les biographies des saints dès le
IXème siècle.
Qsar al-Hammamet fut dès l'origine une "ville-ribat", sorte de grand couvent fortifié, fondée par
l'aghlabite Ibrahim II (fin du IXème siècle), afin de servir d'avant-port à la ville de Qsar al-Zayt (antique
Siagu), après la décadence de la cité de Pupput. Les murabitum (s), qui constituaient l'essentiel de sa population, étaient des ascètes, chargés de la surveillance du littoral contre les descentes de la flotte
byzantine ; en temps de paix, ils s'adonnaient à l'agriculture et aux pratiques mystiques. Malgré la présence de ces volontaires de la guerre sainte, ainsi que l'édification d'une nouvelle enceinte en pierres par les Zirides au
XIème siècle, la ville tomba entre les mains des Normands, installés en Sicile dès 1091. L'occupation chrétienne dura alors une vingtaine d'années.
Hammamet, qui devint à l'époque Hafside
(XIIIème - XVIème siècles) le chef lieu de Cap-Bon, ne profita guère de son nouveau statut de capitale régionale. Selon Léon l'Africain, qui la visita au début du
XVIème siècle, elle ne constituait qu'une simple bourgade, habitée surtout par des pêcheurs très pauvres, des charbonniers, des foulons, et quelques rares commerçants. Les descentes, très fréquentes, des corsaires Catalans et
Aragonais, explique en outre l'urbanisme particulier de cette médina, constituée par des ruelles très étroites, qui lui donnent l'aspect d'une grande forteresse.
Grâce à sa position stratégique, Hammamet fut dès le milieu du
XVIème siècle le théâtre des affrontements
turco-espagnols. Les Ottomans, non contents de la neutralité de sa population lors de ce conflit, la saccagèrent en 1573. Mais devenus définitivement maîtres du pays (1574), ces derniers entreprirent la restauration de ses remparts, et renforcèrent l'armement de la citadelle.
En 1602, les Chevaliers de Saint Jean de Jérusalem (installés à Malte
depuis XVIème siècle) attaquèrent par surprise la ville à l'aide d'une flotte composée de cinq galères, cinq frégates et autant de
felouques. Au cours des cette expédition, sept cents femmes et enfants furent réduits en esclavage et vendus sur les marchés de Malte et de Sicile.
Les habitants prenant l'escadre maltaise pour celle de Murad
Rayis, ne firent aucun préparatif de défense (...). Ceci est encore confirmé par le journal d'Alonso
Contreras qui prit part à cette expédition :
"Je
m'embarquai comme aventurier, de même qu'au précédent voyage ; nous abordâmes et prîmes une une ville appelée
Mahomette (Hammamet). Comme nous arrivons en vue de la terre la nuit d'avant l'entreprise ; nous avançons un tout petit peu jusqu'au jour, où nous nous trouvâmes tout auprès ; le général nous ordonne de nous mettre des turbans en tête et de gréer les trinquets, de façon à ce qu'on nous prenne pour des galiotes de Morato-reis (Murad
Rayis) ; c'est ce qui advint. Il est vrai que nous avions arboré des pavillons et des gallardets turcs et que nous jouions à la turqueste du tambourin, et du
hautbois, grâce à quoi nous arrivons à jeter l'ancre tout près de terre ; les habitants de la ville, qui est située sur cette même langue de terre où nous étions amarrés, sortent presque tous à notre rencontre, hommes, femmes, enfants. trois cents hommes étaient désignés pour l'affaire. Ils la mènent grand train, attaquent à la porte, l'enlèvent, et voilà la ville prise. Des trois cents, j'en suis ; nous capturons toutes les femmes et les enfants, quelques hommes (...) ; nous entrons dans la ville, nous la mettons à sac. On embarque sept cents âmes (...). Surviennent au secours des leurs plus de trois mille Maures tant à pied qu'à cheval, sur quoi nous mettons le feu à la ville, et embarquons ! Cette affaire nous coûta trois chevaliers et cinq soldats, qui se perdirent par cupidité. Là-dessus nous retournâmes à Malte, contents ; j'y gaspillai le peu que j'y avais gagné."
M CONOR
Les exploits d'Alonso Contreras (1601-1611)
Le 15
Août 1605, sept galères de Sicile et trois de Malte abordèrent Hammamet et trouvèrent les portes ouvertes. Les assaillants lancèrent 1400 hommes sur la place et la pillèrent, mais furent surpris par les habitants et les membres de la milice turque, embusqués en dehors de l'enceinte. Six cents assaillants furent tués, les autres furent en majorité réduits à l'esclavage. Après ces deux apparitions, la ville ne devait pas connaître d'autres grandes expéditions jusqu'à l'arrivée des troupes françaises en 1881.

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